MOT DU DIRECTEUR DU CEDEP

Monsieur LEBE Frédéric

Socio-politiste Consultant en analyse et évaluation des politiques

Diecteeur-du-cedep

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, en vos titres, grades et qualités respectifs,

Le chantier de la décentralisation initié par le Chef de l’Etat, Son Excellence Paul BIYA, et mis en œuvre par le gouvernement nécessite l’implication de tous pour l’atteinte de l’émergence à l’horizon 2035. Depuis la constitution de 1996 en passant par les lois de 2004 sur la décentralisation, le décret de 2018/449 du 1er août 2018 portant organisation du Ministère de la décentralisation et du développement local (MINDDEVEL) , ainsi que la loi n° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant code général des collectivités territoriales décentralisées, notre pays poursuit son chemin en vue de mettre à la disposition de ses citoyens une nouvelle offre de gouvernance de type « Bottom-up », dans laquelle les populations se trouvent désormais au cœur de toute initiative en leur faveur.

La décentralisation est un long processus qui prend corps durablement au fil des années. En France par exemple, depuis la constitution de 1946 qui consacre le principe de libre administration des collectivités territoriales, c’est la loi du 02 mars 1982 qui initie le premier acte de la décentralisation, puisqu’elle marque un tournant entre les rapports de l’Etat et la collectivité. La constitutionnalisation de la décentralisation qui intervient de 2003 à 2004 est le second acte qui va se poursuivre par la rationalisation qui survient de 2013 à 2015. De nos jours, il semble qu’on évolue peut-être vers la 4ème réforme à travers la différenciation territoriale, effective chez nous avec les statuts spéciaux des régions du Nord-ouest et du Sud-Ouest. Cette réalité française montre bien que nous avons du chemin devant nous, et que c’est la participation de toutes les filles et tous les fils de notre cher et beau pays, comme l’a toujours souligné le Chef de l’Etat, qui nous permettra d’avoir des avancées significatives.

Le Centre d’étude a pour mission, l’élaboration et la mise en œuvre d’un cadre démocratique de participation citoyenne propice à la consolidation de la paix et la cohésion nationale. Pour l’accomplir, des buts, des objectifs stratégiques et opérationnels ont été élucidés. Notre vision qui ambitionne favoriser la responsabilité citoyenne par la participation effective à l’atteinte de son épanouissement,  va en droite ligne avec celle du Président Paul BIYA, à savoir, « Le Cameroun : un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité ».

Le CEDEP, via la participation citoyenne entend toucher les bénéficiaires de cette aubaine que nous accorde le chef de l’Etat dans son septennat des Grandes opportunités. Par conséquent, il va consacrer un pan important de ses activités dans le renforcement des capacités des élus locaux et des usagers-clients que constituent les citoyens, conformément au code général des collectivités territoriales décentralisées. Sa vocation principale est de  faciliter la circulation de l’information dans les deux sens entre les sectoriels, les élus locaux et les habitants.

Les actions concrètes du Centre s’articulent autour de 05 buts stratégiques suivants :

1- Renforcer le lien entre les habitants d’une même localité en recentrant l’autorité de l’Etat au cœur des actions citoyennes. Il faudra alors donner aux citoyens les moyens et le pouvoir d’agir. Ces moyens ne sont pas que financiers. Ces dynamiques doivent être reconnues et on doit leur donner les moyens de se développer. Nous pensons aux jeunes qui font souvent l’objet de débats, on se plaint de leur comportement mais ils sont très souvent hors des débats, parce que certains décideurs ne discutent pas avec eux. Or  il se trouve qu’ils sont l’avenir du pays. C’est d’abord avec eux qu’il faut travailler au lieu de leur donner des casquettes de délinquants  ou d’apathiques. Il faut réfléchir avec eux, des façons dont ils vivent dans les quartiers et la manière dont ils souhaiteraient vivre. La décentralisation entraine automatiquement la libération de la parole citoyenne. Et tout cela dans un cadre démocratique. C’est pourquoi les citoyens, pour s’approprier tous les bénéfices de cette gouvernance doivent s’organiser dans des cadres spécifiques dont l’importance s’impose.

2– Œuvrer pour redorer l’image de marque du Cameroun par la présentation au grand public des potentialités que regorge notre pays. Une vitrine élaborée donnera  l’occasion aux étrangers et même les camerounais de tous les horizons d’être au faîte du riche patrimoine de notre pays et pourront choisir le secteur et la localité qui leur plaira à l’effet d’un éventuel investissement.

3- Améliorer la qualité des politiques publiques en vue de promouvoir une croissance économique forte, inclusive et durable. Car nous reconnaissons et témoignons de l’effectivité d’un grand nombre de réalisations à l’échelle nationale et régionale. Par contre, ces réalisations ne correspondent quasiment pas aux véritables besoins des populations et n’améliorent très souvent pas significativement leurs conditions de vie. Ces habitants doivent être acteurs de la transformation de leurs quartiers. En fait, parce que beaucoup de décisions ont été prises sans au préalable demander leurs avis. Par exemple la construction des ponts, la rénovation du quartier ou de la gestion de ces quartiers. Et justement parce que dans la plupart des quartiers nous avons les classes populaires qui sont bien éloignées de la politique institutionnelle et qui pourtant ont leur mot à dire. Cet enjeu de la participation prend un sens beaucoup plus important et sans doute plus fort qu’ailleurs. La participation ne doit donc pas toujours venir du haut, c’est-à-dire de la volonté de la puissance publique.

4- Favoriser la mobilisation des habitants pour leurs intérêts, dans le respect des règles en vigueur. On doit reconnaître les formes d’organisation des citoyens qui vont émerger leurs sollicitations auprès des autorités. Une sorte de contre-pouvoir qui peut se mobiliser quand ils ne sont pas d’accord. Les populations s’organisent dans ce cadre par elles-mêmes, ne sont pas dépendantes des pouvoirs locaux et sont porteuses de beaucoup de propositions.

5- Vulgariser au niveau local les textes réglementaires communs aux collectivités territoriales décentralisées et les programmes gouvernementaux d’accompagnement des jeunes à la création d’emplois en vue de l’insertion socio-économique. A ce stade précisément, intervient l’évaluation qui consiste à mesurer les avancées de la décentralisation et apporter notre contribution auprès des politiques sur ce qui doit être amélioré. Ainsi, le Centre joue le rôle d’interface entre l’administration et les citoyens. Car nous portons la vision du chef de l’Etat jusqu’au niveau local qui seul est susceptible de la rendre effective puisque c’est justement à cette échelle que les actions sont mesurables.

En ce moment où l’on ne doit plus obligatoirement se rendre à la capitale Yaoundé pour acquérir quelques investissements ou aménagements au niveau local, tout au moins en ce qui concerne les compétences transférées, les citoyens doivent se déployer et se donner des ressources nécessaires afin de profiter au maximum de cette nouvelle gouvernance qu’est la décentralisation. Désormais, c’est chacun de nous qui, dans un cadre légal institué tels que les régis de quartiers ou comités de quartiers donnera son opinion sur la configuration que doit prendre notre ville. Notre épanouissement en dépend fortement. Nos jeunes et nos personnes âgées ont besoin des espaces ouverts, des jardins et parcs, des centres culturels et des bibliothèques dans la municipalité. Il y a aussi une certaine solidarité à impulser dans les quartiers afin de nous mettre à l’évidence que le trottoir, le ramassage des ordures ménagères, l’embellissement  de nos villes est d’abord pour nous qui sommes les premiers bénéficiaires.

Cette appropriation de notre quartier qui devient précieux à nos yeux va tout changer dans notre manière de fonctionner, ce qui réduira par exemple des crises post électorales. Car après une élection qui nous divise, nous demeurons filles et fils habitants d’un quartier ou d’une ville qui attend de nous des attentions particulières. Si nous ne le faisons pas, d’autres le feront à nos dépens, qu’il s’agisse des élus locaux ou des délinquants. Si ce sont ces derniers, c’est très grave pour nous, nous serons pris en otage par des individus qui nous dicteront comment et quand agir dans notre quartier qui vivra une insécurité notoire. Si c’est plutôt les élus locaux, c’est moins grave pour nous, même comme les politiques mises sur pied ne seront pas l’émanation de nos aspirations profondes, à cause de notre absence dans les débats. Des désagréments de tout genre peuvent subvenir à l’instar de la construction anarchique d’une discothèque ou boîte de nuit au milieu des habitations. Ou encore la construction d’un forage ou un point d’eau qui ne sera pas utilisé car implanté dans un endroit connu comme ancien cimetière par exemple.

N’ayant pas deux pays et encore moins deux quartiers, il est temps de changer de manière de voir la chose publique. Si hier, tout nous était imposé de Yaoundé, maintenant nous avons une aubaine, car nous sommes les décideurs de ce  qui est bien pour nous. Cela renvoie à la responsabilité accrue du citoyen qui doit faire corps avec sa cité en développant parfois des actes de bénévolat visant à garantir la salubrité et l’ordre dans son environnement.  Un adage dit bien que : « un esprit sain dans un corps sain et dans un environnement sain ». Nous voici dorénavant défenseur de notre quartier, cité et en général de notre pays. Parce que notre voix compte à présent et que les acteurs politiques sont appelés à composer avec toutes les couches de la société, nous n’aurons plus le sentiment de délaissement et de rejet puisqu’à chaque niveau, il existera des forums à travers lesquels l’on donnera son point de vue qui mènera à la fin, à une large consultation populaire.

Notre liberté volée par la démocratie représentative stricto sensu est restituée par la démocratie participative via la décentralisation. Ce n’est pas que le conseiller municipal ou régional n’a plus sa place, il est question pour lui de repenser son rôle dans cette nouvelle gouvernance qui ne lui octroie plus la position exclusive d’antan. Il devra apporter des propositions concrètes et souffrira de rendre compte à des instances locales bien encadrées.

La défense des intérêts de notre quartier et ville crée en nous des comportements comme, rechercher à redorer son image et à travailler pour son rayonnement. Des actes ou des images de dénigrement ne seront pas acceptés. Toute personne qui voudra nous rabaisser ne sera pas la bienvenue.

A travers la décentralisation et la démocratie participative, le citoyen faible est désormais appelé à donnera son opinion dans un petit groupe de son quartier et à voir ses préoccupations au moins entendues. Cette pratique vise la restitution  au peuple du pouvoir qui lui a été consacré par la démocratie et que la représentative en a longtemps occulté. Il ne s’agit pas d’opérer une seconde guerre du prolétariat contre la bourgeoisie ou l’aristocratie, ni de remplacer toute l’élite locale. Il est simplement question de ce que la voix des laissés pour compte soit entendue, ainsi que leurs aspirations profondes car ce sont eux qui sont les véritables utilisateurs de ce qui est réalisé dans les quartiers. N’ayant pas des moyens de s’offrir des congés hors de leurs villes ou de se déplacer ailleurs pour se détendre, c’est dans le parc ou l’espace vert du quartier qu’ils viendront passer du temps avec leurs enfants, qui vont éprouver du plaisir à jouer au petit stade municipal du coin.

Bien cordialement.