JOURNEE AFRICAINE DE LA DECENTRALISATION ET DU DEVELOPPEMENT LOCAL (JADDL)

Les Chefs d’Etats et de gouvernements africains dans le souci de parler à l’unisson en matière de décentralisation et du développement local, ont mis en place à l’année 2000, la « Conférence africaine de la décentralisation et du développement local (CADDEL) », avec pour but, la promotion de la décentralisation, la gouvernance locale, la participation des citoyens et des groupes sociaux dans les Etats membres. La CADDEL consacrée en 2007 comme le comité technique spécialisé de l’Union Africaine pour des questions de décentralisation et de gouvernance locale, a cordonné la célébration le 10 août 2012 de la première édition de « la journée africaine de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local », décidée par les Chefs d’Etats à l’occasion de la 20ième session ordinaire du Conseil exécutif de l’UA tenue à Addis Abeba du 23 au 27 janvier 2012.  

La charte africaine des valeurs et principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local adoptée en juin 2014 par les chefs d’Etats et de gouvernements réunis en sommet à Malabo, a institué la commémoration de cette journée en son article 20, paragraphe 4 et a reconnu de ce fait les Collectivités territoriales décentralisées (CTD) comme partenaires privilégiés des gouvernements dans l’amélioration du bien-être des citoyens.

La dixième édition célébrée cette année 2021 avait pour thème : « La contribution des arts, de la culture et du patrimoine au développement durable des villes et des territoires africains ». Cette thématique s’inspire d’une part, de l’agenda 2063 de l’Union Africaine qui se décline en 07 aspirations dont la 5ième milite pour une Afrique ayant une identité, des valeurs et une éthique culturelles fortes ; et d’autre part,  de la décision des chefs d’Etats de proclamer l’année 2021 comme l’année des arts et de la culture. Le département des affaires politiques, de la paix et de la sécurité (DPAPS) de la commission de l’Union Africaine, en soulignant  l’importance des arts, de la culture et des industries créatives dans la production de la richesse en Afrique avec 20 à 23 milliards de dollars d’exportation annuelle, relève tout de même que cela ne représente qu’environ 1% du total mondial de ce marché chiffré à 2 500 milliards de dollars par an.

Les indicateurs UNESCO de la culture pour le développement montrent qu’au cours des 20 dernières années, la culture a pris une part importante dans les économies de plusieurs pays grâce à son statut de moteur de croissance via la diversification des économies, la création des emplois et la génération des  revenus. Au niveau mondial, les estimations illustrent une contribution accrue de ce secteur dans les économies. L’’attractivité que les Industries culturelles et créatives (ICC) induisent au regard de  la demande et la consommation de leurs produits, affiche un taux de croissance exponentielle de 13,9% en Afrique. Pour cela, elles se démarquent comme vecteur de développement social et culturel.

La stratégie nationale de développement 2020-2030, nouveau cadre de référence pour l’action de développement du Cameroun au cours de la prochaine décennie, ambitionne de porter notre pays au rang des Nouveaux Pays industrialisés (NPI) en 2035. Cet instrument offre, dans le cadre de la transformation structurelle de l’économie, une place privilégiée à l’art et la culture dont l’intensification de l’enseignement dans des programmes scolaires est recommandée, ainsi qu’un accent à porter sur la création sous la supervision des CTD, des structures de formation et de promotion telles que les maisons de culture, les conservatoires, etc. Or, l’apport de l’art et de la culture dans la production de la richesse  nationale reste encore faible, bien que les services non financiers marchands dans lesquels on les regroupe aient représenté 48,3% du PIB dans la période 2010-2018.

La décentralisation volens  nolens s’illustre comme  la voie par excellence adoptée par notre pays en vue de promouvoir le développement, la bonne gouvernance et la démocratie au niveau local. Par conséquent, des compétences spécifiques ainsi que les moyens y relatifs sont progressivement transférés par le gouvernement dans le cadre de la dotation générale de la décentralisation à l’effet d’apporter des solutions aux besoins des citoyens dans les collectivités territoriales. Ces dernières jouissent de l’autonomie financière à partir de laquelle elles devraient  statuer sur les projets ou actions prioritaires à mener après délibération à la majorité simple des membres de leurs différents conseils. Afin de contribuer au développement durable de nos villes et territoires, les CTD peuvent mettre l’accent sur l’organisation des journées culturelles ; la création et la gestion des orchestres et ensembles lyriques traditionnels ; des centres socioculturels et de bibliothèques ; sans oublier l’appui aux associations culturelles.

Le thème très parlant de cette année se perçoit comme une sonnette d’alarme dirigée vers  les différents acteurs de la décentralisation qui, en  s’appuyant sur les arts, la culture et le patrimoine vont de ce fait se dresser contre le délitement de nos ville et territoires. Au-regard de la place non moins importante attribuée à la culture parmi les compétences transférées aux CTD, la promotion de l’attractivité de nos localités résultera aussi des actions menées en vue de la résurgence du patrimoine matériel et immatériel qu’elles regorgent et qui demeure méconnu et donc, sous-exploité.

Notre héritage riche de plus de 250 langues et tribus est alors mis à l’épreuve de la lutte pour sa pérennité tant il est vrai que le législateur ouvre une fenêtre d’opportunités aux différentes composantes sociologiques représentées dans les conseils municipaux et régionaux à l’effet de s’exprimer et d’évoluer vers une forme de spécialisation. En empruntant cette voie, nos communautés se sentiront revalorisées au point où l’on assistera à une prolifération de festivals et de manifestations culturelles traditionnelles qui viendront enrichir l’espace public. Cette pratique va jouer un rôle primordial dans la réduction des préjugés et des discriminations intergroupes, en privilégiant l’émergence des concepts étiques au détriment des déterminants émiques, propres à une culture particulière.

Le développement durable, notion consacrée au sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, se définit comme un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. D’un côté, le mot développement fait allusion à l’amélioration des performances d’une société sur les plans économiques et sociales en tenant compte de l’environnement. De l’autre, le mot durable qualifie ce qui n’est pas évanescent, tient dans la durée et se distingue par  sa résistance et sa stabilité.  Ce nouveau mode d’organisation de la société prend en compte les questions environnementales dans toute action anthropique par la préservation de la planète ainsi que les ressources qui s’y trouvent. La responsabilité des humains est ici convoquée pour une exploitation efficiente des ressources actuelles dans l’évitement de tout gaspillage.  Cela signifie que nous devons nous comporter comme des intendants de ceux qui viendront après nous, sans vouloir compromettre leur existence. Nos villes et territoires à présent devront raconter l’histoire de nos prédécesseurs, et sauvegarder ces acquis pour les générations futures.

Dans la même lancée, les statistiques prévisionnelles sur la croissance démographique mondiale montrent que d’ici 2100, la planète sera peuplée par 10 milliards d’habitants.  Raison de plus pour nous de prévoir d’autres moyens de production et de survie durables. Justement, l’art et la culture, en raison de leur double nature économique et culturelle sont appelés à jouer un rôle déterminant dans la participation à la production de la richesse nationale. L’investissement des collectivités territoriales décentralisées et des organisations de la société civile dans ce domaine jusqu’à lors peu exploité va générer des emplois en améliorant la qualité de vie des citoyens. L’économie verte qui en résultera via l’aménagement des sites touristiques, la confection des objets d’art à partir du matériel biodégradable, ainsi que la mise en valeur du vaste patrimoine immatériel vers laquelle des incitations à l’attractivité des jeunes sont attendues, changera totalement la physionomie de nos villes et territoires.

En dehors de l’apport de l’Etat, les collectivités territoriales peuvent aussi s’appuyer sur le programme ACP-UE culture, qui a lancé un dispositif visant à renforcer la compétitivité des industries culturelles et créatives (ICC) des pays ACP. Son appel à proposition d’une enveloppe de 1 050 000 euros vise le soutien des initiatives destinées à renforcer le rôle des ICC en tant qu’acteurs économiques, sociaux et culturels, dans le but d’accroitre des recettes économiques du secteur créatif, favoriser durablement la création d’emplois liés au secteur culturel ainsi qu’une meilleure accessibilité, reconnaissance et valorisation des artistes et leurs œuvres.

Au Cameroun, la célébration de la JADDL a été respectée avec plusieurs articulations à l’instar du lancement officiel effectué par le ministre de la Décentralisation et du Développement Local, monsieur Georges ELANGA OBAM à Limbé dans la Région du Sud-Ouest et la cérémonie proprement dite, tenue à l’Hôtel de Ville de Yaoundé le 10 août 2021. Cette journée a été couplée  aux festivités marquant la 4ième journée africaine d’enregistrement des faits d’Etat-civil et de production des statistiques de l’Etat civil.   

Du reste, un jour ne passe quasiment plus dans notre triangle national sans que ne soit déclaré un accident de la circulation mortel, des violences conjugales, des vols, braquages, viols, de multiples déviances et  actes de délinquances juvéniles, etc.  Ce sont des errements débridés que toute la société condamne et malgré cela, l’on assiste à une recrudescence de ces phénomènes qui déteignent tous les efforts des pouvoirs publics dans la lutte pour l’amélioration des conditions de vie des populations. Le gouvernement ne pouvant bien évidemment tout faire seul, la Décentralisation offre une place de choix à nos collectivités territoriales auxquelles la loi a doté d’une mission de développement local et d’amélioration du cadre et des conditions de vie des habitants. Parmi les compétences transférées à la Commune, figurent la participation à l’entretien et à la gestion, en tant que de besoin, de centres de promotion et de réinsertion sociale ; et la gestion de secours au profit des nécessiteux. En même temps, la Région qui est investie d’une mission générale de progrès économique et social, est chargé de l’organisation et la gestion de l’assistance au profit des nécessiteux. L’action sociale se trouve ainsi occuper une place importante pour notre épanouissement et est appelée à se situer au cœur des préoccupations de nos collectivités locales à travers la mise en place dans leurs services, des cellules d’actions sociales avec pour personnels, des psychologues et sociologues dont l’expertise s’impose avec acuité comme solution non moins négligeable face aux multiples difformités de notre société. Le développement des arts, de la culture et du patrimoine, avec pour corollaire, l’éclosion d’une identité camerounaise, contribuera à reconnaitre et à protéger toutes nos valeurs traditionnelles conformes aux principes démocratiques et aux droits de l’homme. Alors s’érigera une muraille de protection contre certaines pratiques jugées inadaptées à notre personnalité nationale.   

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