Le Cameroun encore appelé Afrique en miniature, est parmi les pays où sont évoquées des questions des peuples autochtones qui représentent selon les statistiques des experts près de 10% de sa population totale. Dans certains pays, ces peuples jouissent de l’autonomie de leurs terres et de leurs ressources, ce qui n’est pas le cas partout où reste prégnant, le contrôle des gouvernements sur leurs territoires.
Selon les Nations Unies, plus de 475 millions d’autochtones se retrouvent dans 90 pays environ, soit 6,2% de la population mondiale. Ce sont des peuples très diversifiés constituant un réservoir de cultures, langues, traditions et surtout de connaissances particulières et spécifiques encore sous-explorées. Les statistiques de l’ONU précisent que : plus de 86% de ces populations travaillent dans l’informelle ; sont plus de trois fois plus exposées à l’extrême pauvreté ; plus de 47% d’entre elles n’ont jamais fait des études.
La déclaration des nations unies sur les droits des peuples autochtones adoptée par l’Assemblée Générale le 13 septembre 2007 et ratifiée par le Cameroun, stipule en son article 2 que : « les autochtones, peuples et individus, sont libres et égaux à tous les autres et ont le droit de ne faire l’objet, dans l’exercice de leurs droits, d’aucune forme de discrimination fondée, en particulier, sur leur origine ou leur identité autochtones ». A partir de là, il est clair que ce sont des peuples à part entière qui doivent jouir de tous les droits inaliénables aux humains. C’est pourquoi ils ont droit comme tout le reste, à l’autodétermination en vertu de laquelle ils devraient assurer librement leur statut politique ainsi que leur développement économique, social et culturel.
Le thème de cette année 2021 intitulé : « Ne laissez personne de côté : Les peuples autochtones et l’appel pour un nouveau contrat social », implique de revoir cette charte en ne laissant personne justement de côté car tous appartenons à la race humaine dont les différences et les spécificités, loin de nous diviser, sont appelées en fait à resserrer les liens des différents peuples. Car, on grandit en apprenant de l’autre et non en s’estimant plus grand que lui. Ce thème évocateur révèle à quel point le contrat social n’a quasiment jamais tenu compte de ces peuples marginalisés et dont les langues et cultures ont été ravalées au second plan. Les populations dominantes ont tout arraché, ont signé le contrat social entre elles et c’est à peine qu’elles tiennent comptent de ceux-là qui sont les premiers occupants dans la plupart des cas. Ces comportements nous interpellent à une réorganisation de la société où, l’autre que nous croyons inférieur doit participer. En effet, par l’agrégation de toutes nos forces pour la quête de l’intérêt général, les obstacles à notre véritable émancipation seront surmontés et notre liberté individuelle préservée. Cette nouvelle organisation en société à travers la prise en compte de l’exogroupe nous procure de meilleures chances de survie en consolidant l’unité nationale si chèrement acquise. Le nouveau contrat social interpelle au renoncement de ce que J. J. ROUSSEAU appelle droits naturels, qui placent l’endogroupe ou le « nous » en position dominante et supérieure aux « eux », minoritaires appelés exogroupe. Ce nouveau contrat à signer dont l’urgence s’impose, va produire un pacte social duquel le « corps moral et collectif » ou la « personne publique » encore appelée République garantit à chacun des associés ou sujets, la liberté et l’égalité civile après le délaissement de la liberté naturelle, source de multiples conflits.
Dans ce contexte, la décentralisation se présente comme une gouvernance qui accentue la participation de tous, et particulièrement des délaissés à la faveur du nouveau contrat social qui intègre l’égalité de tous ainsi que le respect de la dignité et des libertés de toutes nos populations.
La période 2022-2032, consacrée par les nations unies comme décennie des langues autochtones est l’occasion idoine de les pratiquer tant elles ne peuvent être toutes enseignées à l’école malgré la volonté des pouvoirs publics, et sont donc menacées d’extinction. Délaisser ces langues est une perte immense pour l’humanité puisque beaucoup de rites et de traditions sont véhiculées par la langue qui, lorsqu’elle n’est plus pratiquée, disparait avec tout son potentiel.
Au Cameroun, la 27ème journée internationale des populations autochtones a été célébrée le lundi 09 août 2021. Ayant été décidée en 1994 par l’Assemblée Générale des nations unies, elle est officiellement célébrée dans notre pays depuis 2009. La constitution du Cameroun dans son préambule stipule clairement que : « Tous les hommes sont égaux en droits et en devoir…L’Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi ».
Les populations dites autochtones dans notre pays sont constitués de deux grands groupes principaux que sont :
-Les éleveurs MBOROROS : Ce sont des nomades dont les hommes se livrent essentiellement à l’élevage des bétails tandis que les femmes se consacrent à la vente du lait principalement. Ils se retrouvent dans les régions de l’Est, l’Adamaoua, le Nord-Ouest et l’Extrême Nord
-Les chasseurs-cueilleurs ou peuples de la forêt encore appelés PYGMEES : Ils peuplent la forêt et vivent de la chasse et de la cueillette. Contrairement au précédent groupe, ce sont des sédentaires. Alors que les BAKAS, plus nombreux, se trouvent en majorité dans les régions de l’EST et du Sud ; les BAGYELIS sont implantés principalement dans la région du Sud ; et les BEDZAN, les moins nombreux, peuplent simplement la région du Centre.
Le code général des collectivités territoriales décentralisées stipule en son article 166, alinéa 3 que : « Le conseil municipal doit refléter les différentes composantes sociologiques de la commune. Il doit, notamment, assurer la représentation des populations autochtones de la commune, des minorités et du genre ». Cette injonction est reprise à l’article 276, alinéa 1, pour ce qui concerne le conseil régional. A ce niveau, transparaît clairement la volonté du législateur à prôner l’unité nationale par l’intégration de toutes les composantes de nos populations. On s’attend à ce que cela se répercute dans les différents conseils régionaux et communaux qui doivent revêtir cette diversité ou pluralité nationale en incluant les Mbororos et les pygmées dans les différents organes délibérants des arrondissements et régions où ils se trouvent. Par respect de cette exigence de la loi, les Mbororos devraient être représentés dans les conseils régionaux de l’Est, l’Adamaoua, le Nord-Ouest et l’Extrême Nord ; les Bakas dans les conseils régionaux de l’Est et du Sud ; les Bagyelis dans le conseil régional du Sud ; et les Bedzan dans le conseil régional du Centre. Dans la même lancée, les Bagyelis devraient se retrouver par exemple dans les conseils municipaux de Lolodorf, Bipindi, Kribi, Campo, Niété, Akom II, Ma’an, Djoum, Mintom, Meyomessi, Oveng, et Bengbis.
A l’occasion de la célébration de la journée internationale des peuples autochtones de l’année 2017, La ministre des Affaires Sociale Pauline Irène NGUENE avait déclaré que le gouvernement effectue des avancées dans l’intégration des peuples autochtones qui, lors des élections municipales du 30 septembre 2013, l’on a pu enregistrer 17 conseillers municipaux pygmées (Baka et Bagyeli), contre 48 conseillers municipaux autochtones Mbororo dont 30 dans le Nord-ouest, 18 dans l’Adamaoua, parmi lesquels un Maire autochtone Mbororo.
Les collectivités territoriales selon la loi du 24 décembre 2019, exercent leurs activités dans le respect de l’unité nationale, de l’intégrité du territoire et de la primauté de l’Etat (art. 2, alinéa 2). A ce titre, elles ont un rôle primordial à jouer dans l’inclusion et le respect des droits de minorités et des populations autochtones pour une bonne cohésion nationale. La célébration de cette journée internationale sera d’une grande utilité dans la mesure où elle insiste sur la participation des peuples autochtones au développement local qui ne peut être possible que si l’on tient compte d’eux et de leur voix. En effet, ils ont beaucoup d’enseignements et d’expériences à partager avec nous, dont la prise en compte pourrait révolutionner notre mode de vie et pourquoi pas, certaines de nos valeurs. Comme ils vivent très souvent repliés sur eux-mêmes, il y a des pratiques qui leurs sont propres et qui se transmettent par voie orale depuis plusieurs générations, contrairement à nous dont la rencontre avec d’autres civilisations nous a pratiquement éloigné de nos racines.
A l’issue de la rencontre avec les dix présidents des conseils régionaux, en marge de la célébration de l’édition de 2021, Madame la Ministre des Affaires sociales a déclaré que le gouvernement a pris des mesures visant l’intégration des filles et fils autochtones comme une priorité dans la planification régionale. Il faudra alors l’association des vrais politiques d’inclusion et des outils de promotion que l’Etat devra mettre en place avec l’accompagnement de tous ses partenaires afin que dans nos collectivités territoriales, les minorités et les peuples autochtones soient rassurés de leur plein épanouissement et considérés sans réserve aucune comme des citoyens, conformément à la loi fondamentale.
y ont fait leurs preuves. Il s’agit : du multiculturalisme, l’assimilation et le colorblind. Ce dernier a une forte composante égalitaire parce qu’il fait entrevoir l’individu et non pas ses origines ni sa culture, renvoie à le traiter en tant que tel, en refoulant toute appartenance aux groupes sociaux ou culturels lors des interactions en vue de garantir l’égalité de tous. L’assimilation quant à elle, encourage l’absorption des minorités via le délaissement de leurs héritages culturels et l’adoption des valeurs, traditions et langues des dominants ou majoritaires. Cela crée une forme d’homogénéité sociale et culturelle avec pour conséquence le ravalement et même l’extinction d’un pan important de notre patrimoine ancestral. Le multiculturalisme enfin, socle de notre essence patriotique, favorise la consolidation de l’unité nationale
dans la diversité. Il est l’idéologie préférentielle sur laquelle se bâtit notre nation. Les compétences de chacun des groupes y sont reconnues, et les identités culturelles des minorités, préservées. C’est un levier important à actionner par les collectivités territoriales, les acteurs sociaux et élites locales afin de ne laisser aucune de nos ethnies et langues en arrière puisque c’est ce qui fait de nous l’Afrique en miniature soulignée plus haut, dans laquelle se côtoient et vivent dans la paix les ressortissants de nos 04 aires culturelles que sont : les Soudano-sahéliens, les Fang-Bétis, les Grass-Field et les Sawa.
Yaoundé, le 10 août 2021
Le DIRECTEUR LEBE Frédéric
Très intéressant !