Jeicom 23 – Pour le développement des territoires.

Les Journées économiques internationales des communes (Jeicom23) une fois de plus vont se tenir Sous le très Haut patronage du président de la République du Cameroun, S.E.M. Paul BIYA, et sous la tutelle du ministère de la Décentralisation et du Développement Local en partenariat avec le FEICOM, du 1er au 03 juin 2023 au palais des congrès de Yaoundé, avec pour thème : « Les territoires face à l’impératif de la sécurité alimentaire ».

Pour la deuxième fois, après les travaux du 03 au 05 décembre 2021(Jeicom21), notre pays abritera pendant trois jours les acteurs du développement de nos territoires pour le seul but de trouver des solutions aux préoccupations multiples de nos populations.

Le CEDEP entend porter ses espoirs au bon déroulement de ces assises à l’issue desquelles nos communes devraient se doter des moyens leur permettant d’accroître leurs capacités de production locale, en mettant en exergue nos ressources humaines pour l’effectivité de notre souveraineté alimentaire. De nos jours, c’est malheureusement la nourriture qui vient à nous, sans qu’on ne se demande le comment ou le pourquoi. Il est inadmissible que nous puissions importer quasiment tout, jusqu’à ce que nous pouvons  nous-mêmes cultiver. Nos  localités, avec le concours des élites ainsi que des élus locaux seront encouragées à produire lors des festivals ou expositions commerciales, un repas local de fête dont tous les produits proviennent d’un rayon de 20 à 50 Km au maximum.

Partant du fait que la plupart de nos territoires ont une autonomie alimentaire inférieure à 25%, c’est-à-dire qu’elles contribuent seulement à hauteur de 25% tout ce qui y est consommée, nous pensons que l’exportation des grandes surfaces dans notre pays va simplement accroître ce fossé. Figurez-vous que même dans nos villages où les espaces cultivables sont importants, il arrive que les populations consomment en majorité des produits des grandes distributions, à savoir, des boîtes de conserve et des aliments précuits en provenance des pays du Nord. Agir de la sorte ne favorise pas l’épanouissement de nos agriculteurs et producteurs locaux, tant il est vrai que les aliments qui y sont vendus viennent de l’extérieur au détriment de nos territoires. Il s’agit d’une concurrence déloyale à laquelle sont exposés nos entrepreneurs locaux qui ne pourront écouler leurs produits qui, à cause de plusieurs facteurs seront plus chers. Nous signalons le phénomène du dumping qui a des conséquences drastiques sur les populations et toutes nos sociétés. Puisque ces grandes firmes pratiquent des prix bas pour tuer la concurrence et les paysans locaux. Et dès que ces patrons se sont rassurés que le tissus économique local s’est effondré, ils augmentent les prix. Cette pratique est totalement inacceptable. Nous espérons que la priorité lors de ces deuxièmes journées économiques sera axée sur le développement de nos entrepreneurs locaux.

Afin de lutter efficacement pour l’atteinte de la sécurité alimentaire dans notre pays, Le Centre préconise comme première solution, la territorialisation de l’agriculture, qui désigne « la construction d’un rapport étroit entre l’activité agricole et les caractéristiques du territoire, en lien avec les autres activités présentes. »[1]. Cette territorialisation tient compte des besoins réels des habitants de la localité et du type de sol qui ne nécessitera pas plus d’investissements en termes d’intrants externes à la région. Par ce procédé, nos communes seront beaucoup plus opérationnelles et spécialisées dans un domaine bien précis. Ce qui est vrai pour l’agriculture peut aussi l’être pour la culture et l’éducation ou la formation professionnelle.

A la territorialisation de l’agriculture on pourra ajouter la territorialisation des filières alimentaires, les circuits courts ou de proximité et d’autres réseaux de proximité comme leviers à actionner à l’effet de trouver une solution durable à l’autonomie et la sécurité alimentaire. Tout ceci montre à suffisance que la question alimentaire est dépendante aussi bien de la proximité que de l’accessibilité. Il y a de plus en plus des liens étroits qui se nouent entre les agriculteurs et les consommateurs ; et entre les habitants de la ville et ceux de la campagne. Cette dimension civique de l’alimentation amène à reconsidérer les liens entre alimentation et territoire.

La sécurité alimentaire qui sera au cœur des travaux de ces journées est « assurée quand toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et saine »[2] . Cela implique que nous avons droit à une nourriture saine et adéquate.  Le droit à l’alimentation étant un droit de l’homme, reconnu par l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et par l’article 11 du Pacte international. Ce droit, nécessite que « tout individu ait un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d’achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement suffisante »[3]. Or, les pays du Sud en  majorité restent dépendant des importations  pour la nutrition de leurs populations. C’est la conséquence des politiques libérales des organisations financières internationales qui ont ravalé au second plan l’agriculture vivrière, au profit des multinationales qui s’accaparent des terres et pratiquent de l’agriculture intensive. Ces dernières s’imposent dans des supermarchés qui écument nos grandes villes ces dernières années, avec des conséquences énormes sur notre sécurité alimentaire. C’est à ce niveau que va intervenir la notion de souveraineté alimentaire qui est la reconnaissance  du droit à tout peuple et toute nation de disposer d’eux-mêmes des politiques agricoles et des ressources visant à produire ce qui leur semble utile pour leur nutrition sans interférence aucune. Ainsi, sécurité alimentaire et souveraineté alimentaire marchent de pair.

La souveraineté alimentaire apparaît dès lors comme la condition sine qua non d’une véritable sécurité alimentaire. Comment pouvons-nous toujours être des éternels assistés en ce qui concerne notre alimentation. Personne n’est autorisé à nous imposer de quelques manières que ce soit,  ce que nous devons consommer alors que nous sommes mieux placés pour savoir ce qui a bercé notre enfance et qui traine avec nous une très longue histoire et des souvenirs qui, lorsque nous n’y prêtons plus attention, vont disparaître et ce sera un bon pan de notre essence qui va tomber dans les oubliettes. Aucune idéologie, fusse-t-elle libérale, n’a de place dans ces enjeux qui menacent notre condition au grand rendez-vous du donner et du recevoir.

La libéralisation du commerce international et les plans d’ajustement structurels ont réussi à fragiliser nos économies qui peinent à se remettre car le seul modèle auquel l’on se référait était celui qui avait pour seul but de nous réduire. Après l’échec de ces politiques libérales, notre pays est en droite ligne de se réinventer en mettant en place notre modèle de développement qui nous parle et répond mieux à ce vers quoi nous tendons, conformément aux normes écologiques, sociales, économiques et culturelles. Nous devons nourrir nos populations et trouver de l’emploi à la jeunesse. Cela passe par l’incitation à la consommation de nos aliments très variés en sorte que chaque commune définisse ses propres systèmes alimentaires et agricoles, au-delà du dictat des marchés et des firmes internationales. Il y a par exemple des fruits locaux, ainsi que des légumes qui peuvent être exploités à des fins de boissons. Le mécanisme d’incitation à leur production est appelé à se mettre en place par nos Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD). Chaque commune est capable de développer des boissons et mets locaux qui seront servis lors des évènements socio-culturels organisés sur place. Le maître mot sera alors, consommation des produits locaux dans tout le pays. Lorsqu’on parcourt les 360 communes, il faudrait que la diversité de nos aliments qui est pourtant existante, soit visible. La priorité doit cesser d’être la consommation des produits importés qui nous font perdre des devises.

Les Jeicom23 au regard de ce qui précède et conformément au thème de cette année, apportera certainement des solutions adéquates à notre économie et à nos couches sociales si les différentes parties prenantes se focalisent sur le développement local de nos citoyens en vue de la consommation de ce que nous produisons nous même, avec pour corollaire, la réduction des importations, la réduction du chômage et la promotion du made in Cameroon.

[1] Marie-Benoît Magrini, Isabelle Duvernoy, Gael Plumecocq, 2022

[2] Sommet mondial de l’alimentation, FAO, Rome, 1996

[3] A. Bue, M. Zanoni, 2010.

 

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