1- Vous êtes à la tête du CEDEP, de quoi s’agit-il. Quels sont les acteurs principaux de cette structure
Le CEDEP est l’acronyme du Centre d’Etudes spécialisées en Décentralisation et Evaluation des Politiques. En anglais c’est le PEDEC, initiales abréviatives de Policy Evaluation and Decentralization specialised study Center.
En effet, il s’agit d’une association scientifique qui regroupe en son sein des femmes et des hommes vivants au Cameroun et en occident, dotés des connaissances dans le domaine du management des collectivités territoriales décentralisées ; et dans la démocratie participative et délibérative, qui en fait offre aux citoyens des voix de plus que celle du vote.
Cette équipe n’est pas hermétique puisqu’elle accueille en son sein toute personne dont l’intérêt pour la décentralisation est susceptible de porter le CEDEP vers le haut en termes d’efficacité.
Nous avons pris l’engagement de travailler dans le cadre d’un idéal commun et noble, afin de prêter main forte aux pouvoirs publics dans le grand chantier de la décentralisation via quatre axes majeurs que sont : Le renforcement des capacités de toutes les parties prenantes représentées par les élus locaux, les acteurs sociaux et les populations locales bénéficiaires (cibles) ; l’accompagnement des collectivités territoriales sur le terrain dans l’accomplissement des compétences qui leurs sont transférées par l’Etat ; l’accompagnement des populations à un accès facile de ce qui leur est destiné par le gouvernement à travers l’information et l’aide au montage des projets ; l’Evaluation des politiques publiques c’est-à-dire, que toute intervention de l’autorité investie de la puissance publique et de légitimité peut ne pas atteindre sa cible. Il nous reviendra d’apporter des suggestions et des propositions au niveau stratégique en envisageant par exemple des leviers à actionner en vue de l’efficience de l’action gouvernementale.
Pour cela, il nous a été donné l’occasion de mettre sur pied une structure qui entend promouvoir les valeurs liées à la citoyenneté et au patrimoine économique, social et durable. En agissant ainsi, nous prônons un pays avec des citoyens respectueux des institutions et des normes qui régissent la vie en
société, ayant la pleine maîtrise de leurs libertés et devoirs, et participant aux charges publiques et à l’édification nationale. Nul ne devant plus se sentir marginalisé, la participation effective et efficace de toutes les populations, surtout des groupes vulnérables et marginaux, est un défi que nous nous sommes fixés dans l’accomplissement de nos objectifs.
Notre Centre se veut être une interface entre l’administration (sectoriel) et les usagers-clients que sont les populations, à l’effet de porter la vision du chef de l’Etat du centre vers la périphérie constituée des communes et des régions. C’est pourquoi nous agissons sous le tryptique : Participation-Responsabilité-Emergence.
Cette organisation qui fédère toutes les personnes ayant à cœur l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035 via la décentralisation, et qui contribuent à la promotion de l’image de marque du Cameroun à travers l’Education, la concertation populaire et le développement a pour mission : l’élaboration et la mise en œuvre d’un cadre démocratique de participation citoyenne propice à la consolidation de la paix et la cohésion nationale. Pour y arriver, des buts, des objectifs stratégiques et opérationnels ont été élucidées.
Notre vision ambitionne favoriser la responsabilité du citoyen par la participation effective à son épanouissement. Elle va en droite ligne avec la vision du Président Paul BIYA, à savoir : « Le Cameroun : un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité ».
Les acteurs principaux de cette structure
Notre structure fonctionne avec une pluralité d’acteurs que l’on peut classer en deux catégories :
1)Acteurs internes : ils sont à leur tour subdivisés en membres du CEDEP constitués d’experts dans des domaines variés que sont le droit, l’informatique, les statistiques, l’administration publique, la comptabilité, etc. et des professeurs d’université. On y retrouve aussi des consultants externes que nous sollicitons lorsque la ressource n’est pas disponible en interne.
2)Acteurs externes : Ici, je parlerais beaucoup plus des parties prenantes sans lesquelles le CEDEP ne peut exister : ce sont le MINDDEVEL qui a pour mission l’implémentation de la décentralisation ; le MINJEC, le MINESUP ; les CTD ; les élus locaux, les habitants ; le MINAC ; le MINSEP ; le MINPMEESA, etc.
Dans ce cas, on pourra souligner l’exemple du PTS (Plan triennal spécial jeune), doté d’une enveloppe de 102 milliards de FCFA et qui vise à faciliter l’insertion socioéconomique des jeunes de 15 à 35 ans. Il se veut appuyer 1,5 millions de jeunes sur trois ans, soit 500 jeunes par an. Lancé officiellement en janvier 2017 sous l’impulsion du Président Paul BIYA, jusqu’en 2019, seuls 04 milliards de FCFA ont été décaissés en faveur des projets de développement des jeunes.
On peut aussi citer la banque des PME qui a ouvert ses portes en 2015 et dont la mission est d’apporter aux promoteurs d’entreprises des facilités de financement dans une économie où les PME représentent près de 95% du tissu économique du pays.
Il y a aussi le « programme présidentiel d’appui à l’employabilité des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur pour la création des entreprises » (PRO-PAEJ) dont le but est de promouvoir l’insertion socioprofessionnelle des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur par l’auto-emploi, lancé en 2019.
Nous travaillerons dans la vulgarisation au niveau local de tous ces programmes afin d’avoir un grand nombre de personnes qui se proposent à postuler.
2-Quels sont les volets à travers lesquels vous vous proposez d’accompagner le gouvernement dans le renforcement de ses capacités
Le renforcement des capacités suppose pour le CEDEP, la vulgarisation des textes organiques auprès des élus locaux et les populations afin qu’ils parviennent à la pleine connaissance de leurs responsabilités. Cela passe par une bonne lecture de la constitution de 1996 ; le décret de 2018 organisant le MINDDEVEL ; le code général des collectivités territoriales décentralisées de décembre 2019 qui tient en compte les résolutions du Grand dialogue national (GDN) tenu du 30 septembre au 04 octobre 2019 à Yaoundé ; la SND30 qui a aussi pris en compte les résolutions du GDN et qui ambitionne porter le taux de croissance de 4,5% à 8,1% en moyenne sur la période 2020-2030. A tout cela, on devra aussi exploiter la Vision 2035 élaborée de 2008 à 2009 en vue de la révision du DSRP, et dont la première phase d’opérationnalisation s’est faite avec le DSCE(Document de stratégie pour la croissance et l’emploi) de 2010 à 2019. Arrivé à terme au 31 décembre 2019, il a été remplacé par la SND30(Stratégie nationale pour le développement) qui est le nouveau cadre de référence.
Au-delà de tout ceci, qui doit être l’apanage de tous les acteurs, le citoyen devra en plus être édifié par exemple sur l’action collective qui est entendu comme une organisation rigoureuse de l’agir-ensemble dans une dynamique de production par le changement de notre position ou état de départ.
3-Selon vous, la décentralisation est-elle effective au Cameroun ?
S’agissant de l’effectivité de la décentralisation au Cameroun, je commencerai par l’article 5, alinéa (1) du code général des CTD qui stipule que la décentralisation consiste en un transfert par l’Etat aux collectivités territoriales, des compétences particulières et des moyens appropriés.
Dans un second temps, je m’appuierais sur les deux principes fondamentaux de la décentralisation que sont : l’autonomie et la libre administration. Par autonomie nous relevons l’autonomie juridique (article 8) qui précise que les CTD sont des personnes morales de droit public. Ce qui veut dire que ce sont des personnes juridiques distinctes de l’Etat. L’autonomie organique met en exergue les organes délibérants qui sont élus et non nommés. Quant à l’autonomie fonctionnelle, elle fait état des organes délibérants qui gèrent par délibérations leurs affaires propres. Par ailleurs, cette autonomie est étendue simplement aux compétences transférées, pas plus. Le contrôle de l’Etat est effectif et assuré par son représentant (Préfet ou Gouverneur). Nous passons alors d’une tutelle à un contrôle (article 72) ; et d’un contrôle d’opportunité a priori vers un contrôle de légalité a postériori.
La libre administration concerne les compétences administratives et pas les régaliennes car l’Etat garde tout son contrôle sur la police, la justice, l’armée, etc. Cette libre administration permet aussi de garantir un espace de liberté dans lequel les CTD peuvent agir. Elle permet enfin aux CTD d’avoir un pouvoir réglementaire qui respecte les normes supérieures existantes (la constitution, les lois nationales, etc.). C’est le cas des arrêtés municipaux par exemple.
4-Est-ce que les populations sont suffisamment informées des dispositions en place dans le cadre de la décentralisation.
Le gouvernement ne peut tout faire seul.
Les articles 40 et 41 de la loi portant code général des CTD fait référence à la participation citoyenne dans l’action communale et régionale. A ce sujet, toute personne physique ou morale, toute association et organisation de la société civile locale concourent à la réalisation des objectifs des collectivités
territoriales. Nous au niveau du Centre, par nos actions, faisons notre part dans ce sens. C’est justement ce que vous faites, Monsieur Guy EKWALLA avec votre émission « Vue de la diaspora ».
En effet, les médias, les réseaux sociaux, les élites, les élus, l’école etc. chacun à son niveau est interpellé à l’effet d’apporter sa petite contribution.
5-Comment comptez-vous apporter votre expertise à l’exploitation des ressources des collectivités territoriales décentralisées ?
Il est question à ce stade d’invoquer nos deux premiers axes à savoir : le renforcement des capacités des élus locaux ; et l’accompagnement des collectivités territoriales sur le terrain dans l’accomplissement des compétences qui leurs sont transférées par l’Etat dans les domaines suivants : le développement économique ; le développement sanitaire et social ; et le développement éducatif, sportif et culturel.
Permettez-moi de prendre l’exemple de la commune en citant l’article 156 qui fait état des compétences transférées aux communes dans le domaine de l’action économique. C’est le cas par exemple de la promotion des activités de production agricoles, pastorales, artisanales et piscicoles d’intérêt communal ; la mise en valeur et la gestion des sites touristiques communaux ; l’appui aux microprojets générateurs de revenus et d’emplois. Pour ce cas d’espèce, notre expertise consistera à identifier les ressources locales en termes de personnes capables de se mobilisées dans un secteur précis ; et d’élaborer un cadre de concertation susceptible de faire émerger les aspirations profondes des populations.
En outre, le Centre devra :
-Amener les citoyens à penser leur ville sur tous les plans (socioculturel, infrastructurel, économique, etc.)
-Prévoir certains événements afin d’éviter des dérives en termes de délinquance, banditisme, etc.
-Apporter le point de vue du quartier ou des habitants de la localité face à toute situation qui survient dans notre pays
-Privilégier les circuits courts des produits alimentaires comme cela se fait de plus en plus ailleurs. Nous allons pour cela encourager les CTD à soutenir les microprojets montés par les citoyens et dont l’incidence est directe sur la localité. Nous comptons mettre aussi l’accent sur l’hygiène et la salubrité en encourageant l’exploitation des voies comme l’emballage dont le manque de soin ravale au second rang nos produits artisanaux qui sont pourtant de bonne qualité et donc, n’ont rien à envier à certains produits exotiques toujours bien attrayants mais plus ou moins bio.
6-Vous avez choisis d’accompagner le gouvernement. Certains Camerounais de la diaspora estiment que le Cameroun ne se développe pas vue de la diaspora. Quelle analyse faites-vous de cette opinion ?
Le développement est entendu comme un ensemble de transformations successives, graduelles. Maintenant, il revient à chaque observateur de voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Tout dépend du paradigme évoqué ou bien de l’angle sur lequel on s’appuie.
Je prends l’exemple du DSRP (Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté) qui couvrait la période 2003-2008 et s’est achevée avec un taux de croissance de 3%. Le DSCE qui couvrait la période de 2010 à 2019 s’est achevé avec un taux de croissance de 4,5% au lieu de la cible de 5,5%. Enfin, la SND30(Stratégie nationale pour le développement) qui couvre la période 2020-2030 ambitionne de porter le taux de croissance de 4,5% à 8,1% en moyenne sur cette période.
Les projets structurants se réalisent progressivement ; le processus d’industrialisation de notre économie s’avance à grand pas ; de plus en plus, se mettent en place des initiatives locales au profit des citoyens dans plusieurs domaines ; le processus de décentralisation est totalement mis sur les rails avec la nomination le 10 juin 2021 et la prestation de serment les 06 et 08 juillet 2021 des « Publics independant Conciliator » des régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. Dans les mois ou années à venir, une fonction publique locale sera effective.
Au regard de tout ce qui précède, nous avons la conviction au niveau du Centre que les choses bougent et donc, que le Cameroun se développe.
7-En janvier 2022, la coupe d’Afrique des nations se déroulera au Cameroun. Le monde entier suivra attentivement cet événement. Comptez-vous accompagner le gouvernement ?
Notre accompagnement qui ne souffre d’aucune ombre de doute consistera principalement à susciter auprès des collectivités locales qui abriteront les matchs, un élan de patriotisme socioculturel à travers l’organisation d’expositions commerciales locales ; la mise en valeur des sites touristiques communaux ; l’organisation des manifestations culturelles traditionnelles ; etc.
Tout ceci afin de montrer aux yeux du monde le riche patrimoine que regorge notre pays. Cela pourrait avoir des retombées inestimables pour le bien de nos populations à moyens ou à courts termes.
8-Le gouvernement a mis sur pied plusieurs leviers pour le développement structurel des jeunes au sein des collectivités territoriales décentralisées. Quel est le message que vous adressez à cette jeunesse ?
Le jeune ne pourra profiter de ces opportunités que s’il est bien formé. Il devra aussi croire à son pays le Cameroun qui est une grande nation dans le monde. Par conséquent il est appelé à faire confiance à nos institutions et aux personnalités qui les incarnent ou les dirigent. Après quoi, il pourra monter des projets au niveau communal ou régional au lieu de rêver d’un bonheur ailleurs que chez soi.
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